François Jussot est né à Auxerre le 27 janvier 1924. Quatrième d’une famille de dix enfants, il affirme avoir été élevé « dans le respect de la foi chrétienne. » Son père, René Jussot dirige un petit atelier spécialisé dans les travaux de serrurie et d’électricité à Auxerre. François Jussot effectue ses études secondaires au lycée privé Saint-Joseph. Il obtient son certificat d’études en juin 1936. En septembre, il intègre l’entreprise familiale en tant qu’apprenti puis ouvrier.
A la maison « on ne faisait pas de politique » ; le père ancien combattant de Verdun constate avec désarroi l’occupation de son pays par « les Boches ». L‘armée allemande réquisitionne un employé de l’entreprise Jussot pour effectuer les travaux dans les locaux des officiers. Ainsi, le jeune François a plusieurs fois l’occasion de travailler à la FeldKommandantur et à l’Hôpital des Moreaux d’Auxerre.
Pour François Jussot, la première rencontre avec Jean-Louis Antier et Henri Cuinat s’établit au printemps 1943 par l’intermédiaire du père Olivier, curé de Saint-Eusèbe. Cependant, il n’écarte pas la possibilité d’une intervention indirecte d’Antier à l’occasion des réquisitions d’ouvriers décrétées par l’occupant dès septembre 1942. Convoqué à une visite médicale devant entériner son départ pour l’Allemagne, Jussot reçoit à son grand étonnement une carte sur laquelle est mentionnée l’inscription « travail impossible ». Jussot pense qu’Antier connaissait l’employé français qui travaillait au centre de la main d’œuvre allemande et qu’il lui a peut-être été possible d’intervenir. Antier, qui connaissait aussi le père de François Jussot, savait que l’occupant avait réquisionné un ouvrier de son entreprise. Y a-t-il vu un moyen pour infiltrer l’occupant ?
Tout d’abord agent de liaison pour Antier, le jeune François effectue sa première mission armée en assurant la garde du château des Rosaires à Charbuy où se serait tenue pendant l’été 1943, une réunion des responsables départementaux des organisations ORA et Libération-Nord. Jussot tout en continuant son travail, distribue des cartes d’alimentation récupérées au bureau du Ravitaillement général d’Auxerre grâce à Henri Bertrand. Pierre Jannot, employé au palais de Justice, lui procure également des fausses cartes de travail. Ces cartes sont distribuées aux préposés pour le départ en Allemagne. Pour assurer ses missions, François Jussot contacte son ami Marcel Boname. A la suite de l’arrestation de ce dernier, Jussot subit un interrogatoire début juin 1944. Il est cependant relâché trois heures après, les Allemands ne pouvant prouver son appartenance à la Résistance. Mis en quarantaine par ses camarades résistants, Jussot reprend toutefois contact avec les membres du groupe. Il participe activement au combat du Pont de Pierre à Auxerre sur la route d’Apoigny le 12 août 1944 ; il y est blessé à la cuisse. Le 15 août, le groupe Chevreuil rejoint le PC du réseau Jean-Marie à Sommecaise commandé par Roger Bardet.
Après la Libération du département, Jussot participe au sein du groupe Chevreuil affilié au réseau Jean-Marie à la Libération de Vézelay, Saint-Amand en Puisaye, Précy-sur-Tille et Saulieu. Il s’engage au sein du 1er Régiment des Volontaires de l’Yonne et effectue toute la campagne d’Alsace en tant que caporal-chef. Victime d’une pleurésie, il revient en convalescence à Auxerre le 4 février 1945. Début mai, il repart à Waldshut, à la frontière allemande. Il devient le chauffeur du colonel Jacques Adam. Démobilisé le 20 janvier 1946, il se marie le 27 juillet. Délégué départemental du MRP (Mouvement républicain populaire) jusqu’à la disparition du parti, François Jussot reprend l’entreprise familiale basée à Charbuy où il réside toujours. Aujourd’hui président de l’Amicale Chevreuil, François Jussot fait partie d’une minorité de résistants qui n’ont jamais admis la condamnation de Roger Bardet lors de son procès en 1949.
Sources : Témoignage de François Jussot (2000). Témoignage de Jean Guyet (1999).
Thierry Roblin.