Evènements

Cette rubrique se propose de vous faire découvrir une sélection d'évènements qui ont marqué l'histoire de notre département de 1940 à 1945.

29 avril et 13 mai 1945 : Les élections municipales

Jean Moreau, pétainiste, inéligible, élu maire d'Auxerre

Les élections municipales du printemps 1945 sont la première étape du processus de restauration de la légalité républicaine. Il n’y a pas eu d’élections de ce type depuis 1935. Certaines municipalités élues à cette époque ont été maintenues par le gouvernement de Vichy (Saint-Florentin, Brienon, Migennes, Avallon…) ; d’autres ont été destituées dans le cadre de l’épuration politique entreprise par le maréchal Pétain et des municipalités vichystes ont été instituées : il en fut ainsi à Sens avec Lazare Bertrand (dont le conseil municipal fut épuré de ses éléments de gauche) et à Auxerre avec l’accession à la fonction de maire de Jean Moreau. A la Libération des municipalités provisoires dont les membres sont issus des organisations de résistance ont été nommées par décret préfectoral : à Auxerre avec le docteur Moutarde, à Avallon avec Robert Montchanin, à Sens avec Maxime Courtis. Il arrive cependant que la continuité l’emporte : ainsi à Saint-Florentin le maire élu en 1939 et maintenu par Vichy est-il confirmé dans ses fonctions à la Libération. Sans avoir été résistant, il parvient même à être à la tête du Front national et du Comité cantonal de Libération ! 

Le mode de scrutin est inchangé : les élections se déroulent au scrutin plurinominal, majoritaire, à deux tours. Le corps électoral est deux fois plus nombreux car pour la première fois les femmes votent ; mais les déportés ne sont pas tous rentrés. Les candidats se présentent sous des noms de listes qui ne définissent pas clairement les affiliations politiques. Dans l‘ensemble elles se placent sous le signe de l’«Union Républicaine » (Joigny), de l’« Union Patriotique » (Bléneau), de l’« Union de la Résistance » (Sens). Ces listes sont très largement des listes de gauche (mais à Sens par exemple la droite y est inclue) et bénéficient du soutien du Comité départemental de Libération. Le parti radical qui n’a plus de leader et n’est pas réorganisé entre dans ces listes. Personne ou presque n’ose alors s’avouer de droite. Les listes de droite sont appelées « d’Action municipale et de Défense républicaine » (Auxerre) ou « d’Union républicaine pour la défense des intérêts municipaux » (Villeneuve-sur-Yonne). 

Maxime Courtis, résistant, élu maire de Sens en 1945

La campagne électorale est calme et la participation élevée. Le premier tour qui se déroule le 29 avril révèle un net glissement à gauche de l’électorat. Plus des deux-tiers des sièges sont pourvus. Le parti communiste et la gauche modérée progressent davantage que la SFIO. Si Maxime Courtis triomphe à Sens, il n’en va pas de même à Auxerre où la liste de la Résistance subit un grave échec et où le maire vichyste Jean Moreau, pourtant frappé d’inéligibilité, l’emporte. 

A l’issue du second tour, la droite ne contrôle plus que trois municipalités alors qu’elle en contrôlait seize en 1935. Mais ce déclin apparent doit être nuancé par le fait que près de la moitié des communes ont une municipalité sans appartenance politique officielle. A Tonnerre, la liste de droite modérée obtient 51% des voix. A Joigny, six « conservateurs », de tendance PRL (droite libérale dont se réclame le maire d’Auxerre) sont élus. Le parti communiste progresse. Une douzaine de petites communes ont un maire communiste. Il entre au conseil municipal de Sens, il a dix élus à Migennes. Mais il est absent des conseils municipaux d’Auxerre, de Joigny, de Tonnerre, d’Avallon. La SFIO compte 220 conseillers municipaux élus (sur un total de 5632, ce qui est à peine plus que le PCF). A Sens les socialistes tiennent la Mairie, à Avallon, ils sont deux à entrer au Conseil municipal. Beaucoup d’élus locaux sont des radicaux qui n’ont pas toujours pris cette étiquette ; plus de 20% des élus se réclament officiellement du radicalisme. L’Yonne est donc légèrement plus à gauche mais elle n’a pas « basculé à gauche ». 

Robert Montchanin, résistant, elu maire d'Avallon en 1945

La Résistance ne réussit pas sa percée dans la politique départementale : 11% seulement des conseillers municipaux élus se réclament de la Résistance, les trois-quarts d’entre eux sont adhérents au Front national. Quatre nouveaux maires sont des résistants : Maxime Courtis à Sens, Louis Condemine à Villeneuve-sur-Yonne, Robert Montchanin à Avallon, Roger Picand à Tonnerrre. Pierre Argoud a été élu à Aillant-sur-Tholon mais il avait été arrêté le 25 janvier 1944 et on pouvait croire à son retour prochain. On allait apprendre sa mort en déportation. Dans l’Yonne comme dans beaucoup d’autres départements les organisations de résistance sont apparues comme des annexes ou des forces d’appoint des partis politiques. Si l’on ajoute le fait que ces élections marquent la fin des Comités cantonaux et locaux de Libération, on constate qu’elles sont une étape essentielle dans le déclin de l’esprit et des institutions de la Résistance. 

Sources : Jollet Corinne, Le personnel politique et les pouvoirs locaux à la Libération de l’Yonne 1944-1945, mémoire de maîtrise, Université de Bourgogne, 1999. Guyot Philippe, Eléments pour une histoire politique de l’Yonne de la Libération à la constitution de la IVème République (1944-1946), in Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 120ème volume, 1988. 

Dans le cédérom La Résistance dans l’Yonne, on peut consulter les notices suivantes sur le même thème : 

17 mai 1941 : installation du nouveau conseil municipal de Sens 

10 août 1941 : Jean Moreau devient maire d’Auxer

3 septembre 1944 : Installation du conseil municipal provisoire d’Auxerre 

10 septembre 1944 : Installation du conseil municipal provisoire de Sens 

15 novembre 1944 : Installation du conseil municipal provisoire d’Avallon 

Les élections municipales du printemps 1945 à Auxerre 

Les élections municipales du printemps 1945 à Avallon 

Les élections municipales du printemps 1945 à Sens 

© Arory  •  Site réalisé par Thierry Roussel - Creacteurs Studio