Au lendemain de la libération de Sens, le capitaine Ferry regroupe ses hommes à la caserne Gémeau. Les volontaires y affluent. Une quinzaine d’entre eux sont de ses élèves, d’autres viennent de Domats, Soucy, Saint-Clément, Cerisiers, Arces, Bray-sur-Seine. L’encadrement est constitué par des sous-officiers de carrière. Parmi eux l’adjudant-chef Delhoste, employé au lycée depuis sa démobilisation, est le plus expérimenté. Une compagnie structurée voit le jour. Des gardes sont assurées pendant quelques jours au service du commandant de la Place de Sens, en alternance avec les FTP du capitaine Raymond Mare, qui eux aussi sont à la caserne Gémeau. Avec Benjamin Lemaître, commandant de la Place, les relations ne sont pas faciles. Ferry l’accuse de tout faire pour contrarier son départ et pour limiter les effectifs des volontaires qui sont prêts à le suivre.
Vers la mi-octobre, la compagnie est passée en revue par le colonel Gambiez, commandant de la Brigade de choc de la 1ère Armée française. C’est le signe que Ferry est en contact avec l’état-major de cette armée. Le 2 novembre 1944, cent trente-cinq hommes de la compagnie Ferry quittent Sens. La compagnie s’intègre au bataillon Bayard qui est un bataillon de choc constitué de volontaires de la Côte-d’Or. Elle en constitue la 4ème compagnie.
Le 28 novembre 1944 elle arrive au pied de la route Joffre qui, par le col du Hundsruck, joint Masevaux à Thann dans la vallée de la Thur. Elle traverse Masevaux, atteint Bourbach-le-Haut et subit son premier combat le 30 au matin, à la ferme de la Boutique. Le 2 décembre, Jean Ferry est tué au col du Hundsruck. Les hommes prennent quelques jours de repos puis le bataillon se reconstitue à Morvillars, près de Delle. Ils ne sont plus qu’une centaine. Ils acceptent l’offre qui leur est faite de s’intégrer au 1er bataillon de choc.
Formé en Algérie en 1943 par le colonel Gambiez, ce bataillon prestigieux a combattu en Corse, à l’île d’Elbe, en Provence et dans les Vosges. Il a subi de lourdes pertes et a besoin de sang neuf. Jean Peretti raconte : « Intimidés et inquiets, les quatre-vingts hommes (de la compagnie Ferry) sont reçus fraîchement par les anciens. La reprise en main est sévère ; ils s’aperçoivent très vite qu’ils ne sont pas arrivés dans une unité comme les autres. Ils reçoivent chacun une mitraillette, un paquetage américain et des badges « 1er bataillon de choc » à coudre sur le haut de la manche droite des vêtements. Dans les nouveaux groupes de combat, les Anciens encadrent les Bleus qu’ils sont ».
Le 18 janvier 1945, le 1er bataillon de choc part pour participer à la défense de Strasbourg. Par Luxeuil, Gérardmer, Saint-Dié, il atteint Molsheim puis Kronenbourg dans la banlieue de Strasbourg. Le 29 janvier, c’est le départ pour Jebsheim, village situé au nord de Colmar. Le 30 janvier au matin, c’est l’offensive avec les chars américains. La défense allemande empêche d’atteindre le canal du Rhône au Rhin qui était l’objectif. Le bataillon compte trente morts, cent blessés et quinze prisonniers. Une seconde offensive commence peu après minuit. Elle dure jusqu’à dix heures du matin et permet la ruée sur Colmar où le bataillon défile, victorieux. Un mois de repos est accordé aux hommes qui le prennent à Colmar et Soulzmatt. Du 27 février au 27 mars 1945 plusieurs officiers sont désignés pour suivre les cours de l’école des cadres de Rouffach. Commence alors la campagne d’Allemagne et d’Autriche.