Irène Chiot est née en 1898 à Perreux dans l’Aillantais. Assistante sociale, mariée en 1922 mais rapidement divorcée, elle est décrite comme une personne énergique, volontaire et soucieuse d’indépendance. En 1940, refusant l’occupation et désireuse d’agir pour libérer son pays, elle s’installe dans la région de Toulouse et participe à la création d’un réseau nommé Trait d’Union, composé d’anciens militaires. Au printemps 1942, pour des raisons que nous ignorons (était-elle en mission ?), Irène Chiot revient dans l’Yonne à Epizy, près de Joigny où vit sa mère, Anna, pour y créer un groupe de résistance. Il naît à partir d’un noyau familial composé de sa cousine, Paula Buchillot, de son cousin Roger Rouard, et de relations de voisinage comme Fernand Dufour, Georges Pellard, Henri Eternot, René Deharbe et Georges Vannereux. Tous sont sédentaires ce qui signifie que contrairement aux clandestins, ces derniers ont gardé leur domicile et leur profession.
Après les premières actions comme l’organisation d’évasions de prisonniers de guerre à Joigny, le groupe cherche à sortir de son isolement en nouant les premiers contacts avec les représentants des organisations de résistance lesquelles commencent à s’implanter dans l’Yonne au cours du printemps 1943.
Selon certains témoignages, Irène Chiot aurait été affiliée au Front national, d’autres affirment qu’elle était un membre actif du groupe Bayard. En fait, tout en gardant une certaine autonomie, il semble qu’Irène ait été en étroite relation avec différentes organisations. Son objectif principal étant de se procurer des armes, elle a donc noué de nombreux contacts avec en particulier le réseau Jean-Marie Buckmaster seule organisation capable de lui en fournir. A partir de juin 1943, elle rencontre Pierre Argoud et Alain de la Roussilhe, représentant du réseau Jean-Marie dans l’Yonne. Gagnant la confiance des deux hommes, elle participe au cours de l’été 1943, aux premières réceptions de parachutage dans l’Yonne, comme le 23 août à Piffonds et le 16 septembre à Volgré au lieu-dit les Tuileries. Irène Chiot peut ainsi constituer un dépôt d’armes à Epizy. Une bonne partie de ces armes bénéficient aux groupes et maquis FTP. Par l’intermédiaire de Georges Vannereux, en contact avec Jaminet (« Paulo »), membre de l’état-major FTP, des armes et des munitions passent chez des groupes et maquis FTP comme celui des frères Horteur, du maquis Vauban et du maquis Bourgogne dirigé par Henri Camp. Des armes ont pu servir aussi aux groupes FTP-MOI de la région parisienne car Michel Herr (Jacques Mercier ») et Jorge Semprun (« Gérard ») étaient hébergés chez Irène Chiot. Le 7 octobre 1943, un commando composé d’Irène Chiot, de Paula Buschillot, de Roger Rouard et de George Vannereux organise le sabotage d’un train allemand stationné à Pontigny. L’explosion de sept wagons provoque également une énorme excavation de 8 mètres de profondeur et endommage les habitations les plus proches, entraînant la mort d’une fillette. Le journal Le Bourguignon, contrôlé par la censure allemande, relate le sabotage comme un accident : « (…) à 4h 30, jeudi matin, une violente explosion dont les répercussions s’étendirent en certains points à plus de soixante kilomètres, éveilla et mit en émoi une grande partie des populations de l’Yonne ; la vénérable et célèbre abbaye cistercienne n’a elle-même pas été épargnée. La voûte du sanctuaire est gravement fissurée (…) »
Quelques heures après le sabotage, Georges Vannereux est appréhendé lors d’un contrôle de police. Le lendemain, trois agents de la Gestapo effectuent une descente au domicile d’Irène Chiot. Ils l’arrêtent ainsi que Semprun surpris dans son sommeil. Vannereux a-t-il parlé ? Les Allemands savaient-ils qu’ils investissaient le quartier général d’un groupe de résistance actif ? Il est permis d’en douter car ils n’ont pas pris la peine de perquisitionner la grange dans laquelle se trouvait le dépôt d’armes. En fait, il semble que le manque de discrétion des résistants et leurs incessants allers et retours soient à l’origine de cette double arrestation qui entraîne le démantèlement du groupe, Irène Chiot étant incarcérée à la prison d’Auxerre. Le fait d’être une femme ne protège nullement de la barbarie des policiers allemands. Après avoir été atrocement torturée, Irène Chiot est transférée au camp de Compiègne fin janvier 1944. Quelques jours plus tard, le 31 janvier, elle fait partie avec cinq résistantes icaunaises du plus important convoi de déportées de France vers le camp de Ravensbrück (959 femmes). Irène Chiot décèdera d’épuisement et de dysenterie à Bergen-Belsen le 6 juin 1945, quelques semaines après la libération du camp .
Sources : AN, 72 AJ 208. Témoignage de Serge Caselli (2002). Robert Loffroy, Souvenirs de la guerre, manuscrit inédit. Leger Jean, Petite chronique de l’horreur ordinaire, Auxerre, ANACR.-Yonne, 1998, 239 p. Vincent Alain, Les blés rouges, la bataille du rail à Laroche-Migennes, Clamecy, éditions de l’Armançon, 1996, 155 p.
Thierry Roblin.