Né le 11 juin 1919 à Guerchy, petit village de l’Auxerrois où ses parents étaient de petits exploitants agricoles , Robert Loffroy milite dès 1935 au sein du mouvement Amsterdam-Pleyel, adhère en mai 1936 aux Jeunesses communistes, puis, le 1er janvier 1939, au parti communiste. Militant, il effectue de 1936 à 1939 un travail de propagande locale dans le canton d’Aillant-sur-Tholon. En août 1939, il admet le bien-fondé du pacte germano-soviétique. A l’automne, avec son camarade Pierre Houchot, ils tirent sur une imprimerie clandestine, distribuent et collent des tracts et des papillons qui défendent la ligne officielle du PCF. Mobilisé le 27 novembre 1939, il est incorporé dans la banlieue lyonnaise. Il suit les cours du peloton d’élève brigadier et fonde une cellule communiste avec des camarades icaunais qu’il retrouve ou dont il fait la connaissance (Claude Aillot). Il est à Cahors avec son régiment quand survient l’armistice. Incorporé au 3ème Hussard à Montauban, il y endure de très dures conditions d’existence. Malade, il est hospitalisé puis démobilisé et rentre au village.
Du 10 mai 1941 au 27 janvier 1944, Robert Loffroy travaille sur l’exploitation agricole de ses parents. Cette situation cache la réalité d’une intense activité de résistance. Début 1942, il remplace P. Houchot à la direction départementale des Jeunesses communistes. De mai à septembre 1942, il s’emploie avec Marcel Mugnier à structurer le parti, à construire le Front national et à créer les premiers groupes de sédentaires FTP. Au sein de cette organisation, il fabrique de fausses cartes d’identité et défend la stratégie de lutte contre les réquisitions agricoles. C'est d’ailleurs à Guerchy que cette forme de lutte est inaugurée.
Le 27 janvier 1944, il échappe de justesse à l'arrestation et entre dans la clandestinité. Muté au Comité militaire régional (CMR) des FTP de l'Yonne, il devient sous le pseudonyme de « Bernard » puis de « Serge » recruteur régional, sous les ordres directs du Commissaire aux effectifs régionaux, Chamfroy. Il devient le quatrième élément du CMR des FTP. Il parcourt le département à bicyclette, disposant d'une cinquantaine de « planques ». En février 1944, il divise le département en trois secteurs et prend la responsabilité du Sénonais et du Pays d'Othe. Il est ainsi à l'origine de tous les groupes de sédentaires et de tous les maquis FTP constitués dans le nord du département. Sa haute conception de ce que devaient être les FTP l’amène à exiger de la part des maquisards qu’il inspecte un comportement irréprochable et un respect strict de la discipline. S'il ne fut jamais arrêté, alors qu'il accomplit des mois durant des missions à haut risque, il le dut certes à la chance mais aussi au strict et continuel respect des règles de sécurité. Le 6 juin 1944, il participe à la réunion du Bureau militaire régional des FTP. Il reçoit l'ordre de déclencher l'insurrection en Pays d'Othe. Fin juin 1944, il remplace Millereau au sein de la direction des FTP avec les fonctions d'adjoint de Chamfroy, puis il succède à ce dernier qui est muté dans un autre département. Avec la fonction de Commissaire aux effectifs régionaux, il est désormais le dirigeant départemental des FTP. Sous les ordres de Charles Guy, responsable du parti communiste, il organise et coordonne l’action des compagnies et des maquis FTP. Après la dissolution des FTP, le 4 septembre 1944, le capitaine Loffroy occupe les fonctions de commandant de la 7ème compagnie de la 2ème demi-brigade FFI de l'Yonne. Il partage la vie de ses hommes, mange et dort avec eux. Lui qui pensait s'être battu pour une armée populaire dans une France socialiste, il supporte difficilement la compagnie et la mentalité des officiers de l'état-major FFI. Il se voit alors confier par le PCF la mission d'organiser les milices patriotiques dans l'Yonne.
En décembre 1944, quand on le somme de choisir entre le commandement effectif de sa compagnie et son activité politique, il opte pour l'armée. Le 30 décembre, il part avec le 2ème bataillon de l'Yonne, commandé par R. Millereau. Capitaine FFI au sein du 4ème régiment d’infanterie reconstitué, il effectue par la suite deux stages qui doivent lui permettre d’intégrer le corps des officiers. Ecœuré par le climat d’hostilité qu’il perçoit à l’égard des FTP, convaincu que l'armée républicaine et révolutionnaire pour laquelle il s'était battu ne verrait pas le jour, il se résout à rompre définitivement avec la carrière militaire.
Pendant les décennies suivantes, petit exploitant agricole à Guerchy, R. Loffroy poursuit une intense activité militante. Il demeure un militant communiste actif, discipliné, convaincu et passionné, membre du Comité fédéral et candidat du PCF à de nombreuses élections. En 1970, à la suite d'un voyage en RDA qui le conforte dans ses « idéaux socialistes », il fonde avec sa femme l'association France-RDA au sein de laquelle il milite jusqu'à ce qu'elle disparaisse en 1989. Il est dans l’Yonne l’organisateur d’un syndicalisme de défense de la petite et moyenne agriculture. Il est l'un des fondateurs en 1945 de l'association des anciens FTP-FFI ainsi que d'un Comité d'entente de la Résistance. Au début des années 1950, il milite activement pour la création de l'ANACR dont il devient le président départemental. Il est en 1988 l'un des membres fondateurs de l'Association pour la Recherche sur l'Occupation et la Résistance dans l'Yonne. Il attache toujours la plus grande importance à la transmission de la mémoire de la Résistance et à la défense de ses valeurs, participant aux commémorations, rencontrant des élèves et leurs professeurs, aidant les chercheurs.
Robert Loffroy est décédé le 7 juillet 2007.
Sources : Témoignages de Robert Loffroy (1994 à 1998). Loffroy Robert, Souvenirs de Guerre, manuscrit inédit. Level Olivier, Robert Loffroy. Biographie d'un Résistant, mémoire de maîtrise, Université de Bourgogne, 1994.
Joël Drogland