La Révolution nationale
Une idéologie traditionaliste, réactionnaire et antisémite
Le terme de Révolution nationale caractérise l’œuvre de réforme entreprise par les gouvernements du maréchal Pétain sous l’occupation allemande. La formule est étrange dans la mesure où elle associe l’idée d’un changement brutal et celle d’une autorité respectueuse de la tradition. Elle exprime la volonté de synthèse entre l’ordre et le mouvement et appartient au vocabulaire des ligues d’extrême droite.
L’Etat français se veut dès sa fondation, non pas simplement gestionnaire d’une situation consécutive à la défaite mais fondateur d’un régime nouveau reposant sur une philosophie politique et sociale. L’idéologie de la Révolution nationale est traditionaliste et réactionnaire ; ses racines se situent dans le catholicisme social du pape Léon XIII, dans le corporatisme de La Tour du Pin, dans le « solidarisme » des non conformistes des années 30, dans la pensée de Charles Maurras.
Les véritables responsables de la défaite sont la démocratie, la République, la gauche, le parlementarisme, le Front populaire, les étrangers, les juifs. Il faut reconstruire la France : « c’est à un redressement intellectuel et moral que d’abord je vous convie » déclare Pétain qui fustige « l’esprit de revendication » qui « l’a emporté sur l’esprit de sacrifice ». Le redressement de la France ne se fera qu’au prix de durs sacrifices. Cette idéologie traduit une morale de l’épreuve, de la rédemption par la souffrance, directement inspirée du catholicisme.
La devise de l’Etat français, Travail-Famille-Patrie s’inspire de ces « valeurs » oubliées et avilies par la démocratie. Le travail, ce n’est pas celui des usines et de la modernité, mais celui des ateliers et de la terre. L’exploitation paysanne est exaltée comme un modèle social ; « la terre, elle, ne ment pas » affirme Pétain, entre autres aphorismes. La famille trouve aussi son modèle dans la vie rurale ; la famille paysanne est censée être plus prolifique et à l’abri des perversions morales de la ville. La famille doit donner aux enfants les bases d’une éducation que l’Eglise et l’école poursuivront dans le même esprit moralisateur, une école épurée de ses mauvais éléments laïcs et républicains. La patrie, « valeur suprême », s’enracine dans la terre. Elle est assimilée avec le sol et s’incarne dans un homme : le maréchal Pétain. L’Eglise s’associe à cette œuvre de rédemption et soutient le régime.
L’individu doit être inséré dans des « communautés naturelles ou morales » où il apprendra à respecter l’ordre « naturel » des choses, et d’abord l’autorité : celle du père, du maître d’école, du curé, du patron, du Chef de l’Etat.
Pour répandre cette idéologie dans l’opinion, le gouvernement de Vichy met en place une structure permettant la propagande d’Etat. Des « délégués à l’Information et à la Propagande » sont nommés dans la quasi totalité des communes du département. Il semble que dans la plupart des cas ces délégués ne se soient pas montrés de bien zélés propagandistes de la Révolution nationale.
L’œuvre de la Révolution nationale est fortement limitée dans l’espace (elle ne s’est réellement implantée que dans la zone sud) et dans le temps (après novembre 1942, les impératifs de la guerre totale et de la collaboration voulue par Pétain sont prioritaires). Elle est cependant présente dans les réalités sociales et économiques de notre département.
Sources : ADY, 1 W 14 à 1 W 26 (rapports préfectoraux). Durand Yves, La France dans la Seconde Guerre mondiale, Paris, Armand Colin, 1989, 192 pages. Azéma J.-P. et Bédarida F. (dir.), Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992, 788 pages. Peschanski Denis, Vichy 1940-1944. Contrôle et exclusion, Bruxelles, éditions Complexe, 1997, 209 pages.