7 juin 1945 : la cour de justice de l’Yonne condamne une collaboratrice aux travaux forcés

Plaque de marbre blanc gravée de lettres rouges et fixée sur le mur d'une maison située à l'entrée du village de Chailley. Le texte ne se réfère pas explicitement à l'attaque du maquis mais il donne les noms de ceux qui furent les victimes de l'attaque du maquis et des représailles consécutives sur la population du village.
Le 23 juin 1944, en même temps qu'ils attaquaient le maquis Horteur qui n'avait que quelques jours d'existence, les Allemands terrorisaient la population du village voisin de Chailley, arrêtant une quinzaine d'otages (dont l'un mourra en déportation) et faisant quatre morts. L'événement est resté très prégnant dans la mémoire du village. L'événement s'inscrit dans une stratégie visant à terroriser les populations civiles afin qu'elles ne fournissent aucune aide aux maquis.
Cliché J.Drogland, DR

Blanche C. est née le 4 février 1920 à Valenciennes où elle réside en 1940. Son fiancé est mort au front pendant la campagne de France et elle élève seule son bébé. Sans ressources, elle quitte Valenciennes au printemps 1943. Après quelques mois passés à Gouzon dans la Creuse, elle se retrouve au service des réfugiés de Dijon au début de l’année 1944. Elle fait quelques ménages puis entre comme secrétaire à la LVF de Dijon en février 1944. Elle passe ensuite à la Milice puis entre au début du mois de juin 1944 à la Gestapo de Dijon.

Elle est alors envoyée à la Gestapo d’Auxerre où elle arrive à la mi-juin. Sa mission est de renseigner les Allemands sur l’implantation des maquis. Les troupes allemandes luttent alors contre les maquis qui menacent leur évacuation et leurs liaisons avec le front de Normandie. Blanche opère sa première mission avec un agent français de la Gestapo, un certain Charlie (vraisemblablement s’agit-il de « Charlie la mitraillette », membre de la bande à Wagner), avec lequel elle rôde près de Lichères-près-Aigremont. Le 21 juin elle est à Chailley en compagnie d’un nommé Mario au lendemain des combats de Saint-Mards-en-Othe. Elle entre chez le coiffeur Preterre auquel elle montre un brassard à croix de Lorraine et présente Mario comme un volontaire pour le maquis. Méfiant, le coiffeur lui subtilise une lettre compromettante qu’il communique à Georges Mulot du maquis Horteur. Arrêtée, conduite au maquis, interrogée par « Verneuil », elle affirme être un agent double travaillant à la Gestapo pour le compte de la Résistance. Le 23 juin, date prévue du déménagement du maquis, la Wehrmacht attaque et oblige les maquisards à décrocher précipitamment. Blanche réussit assez mystérieusement à fausser compagnie à son gardien.

 

Elle rentre à la Gestapo d’Auxerre et est arrêtée. Le tribunal allemand la condamne à mort le 31 juillet 1944. Le docteur Moutarde la sauve de l’exécution en la faisant hospitaliser sous le prétexte d’une grossesse. Libérée le 23 août, elle est reconnue et arrêtée par Georges Mulot. Un groupe FTP l’interroge brutalement au château de Turny puis la remet au procureur Durand à Chablis. Elle est transportée à l’hôpital d’Avallon puis transférée à celui d’Auxerre en novembre 1944 avant d’être dirigée sur la caserne Gouré.

La cour de justice de l’Yonne la condamne le 7 juin 1945 pour intelligence avec l’ennemi aux travaux forcés à perpétuité, à la dégradation nationale à vie et à la confiscation de ses biens. Son procès a un écho retentissant car Blanche C. représente l’exemple type de la trahison et est rendue responsable de la violente répression allemande dans la région de Chailley.

Elle est incarcérée à la maison d’arrêt de Pau. Sa peine sera commuée en 20 ans de détention et d’interdiction de séjour. Elle est libérée en 1951 et assignée à résidence à Igon dans les Basses-Pyrénées jusqu’en 1959. Elle est interdite de séjour dans l’Yonne à titre spécial.

Sources : ADY, 1130 W. L’Yonne Républicaine, 9 juin 1945.

Frédéric Gand.

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