15 août 1944. Le Délégué militaire André Rondenay est exécuté par la Gestapo

Le 15 août au matin, les Allemands commencèrent l'évacuation des détenus de la prison de Fresnes et les conduisirent à la gare de Pantin où se constituait ce qui fut le dernier convoi de déportation en partance de France. Rondenay retrouva son camarade Grout de Beaufort, ainsi que les deux agents de liaison arrêtés le même jour.

Exécution sommaire dans la clairière des « Quatre Chênes »

Au début de l'après-midi, un commando spécial de six militaires allemands en uniforme arriva en gare de Pantin, accompagnés de miliciens. Ils cherchèrent Rondenay et le firent descendre du train. Quatre autres résistants durent aussi quitter le convoi : son ami Alain Grout de Beaufort, André Baude, Roger Claie et Louis Lerouge, agent de liaison de Rondenay. Le commando quitta immédiatement la gare de Pantin et roula vers le nord sur une vingtaine de kilomètres. Il s'arrêta en lisière de la forêt de Montmorency, sur la commune de Domont, au lieu-dit la clairière des "Quatre Chênes". Les cinq résistants durent descendre des voitures et furent massacrés séance tenante. A leur retour, les auteurs de ce quintuple meurtre se réunirent rue des Saussaies à Paris pour y sabler le champagne, conformément à une coutume alors en usage dans la police allemande et qui portait le nom de "banquet du bourreau".

Qui a trahi ?

La cour de Justice de la Seine a jugé Henri Dupré coupable de l’arrestation de Rondenay et, après des années d’instruction, l’a condamné à mort le 31 janvier 1950. Il a été fusillé le 2 février 1951. Nous ne disposons pas de preuves qui montrent avec certitude que Dupré ait réussi le 27 juillet à Paris ce qu’il avait manqué le 17 juillet à Auxerre, mais il est vrai que son officier traitant à l’Abwehr était présent à Pantin. D’autres hypothèses ont été faites qui sont crédibles. L’hypothèse qui nous semble la plus probable, en l’état des sources actuellement connues, est celle de l’infiltration du groupe BOA de la région parisienne, que Rondenay, Grout de Beaufort et leurs agents de liaison fréquentaient à Paris, par les miliciens de la rue Alphonse de Neuville, en liaison avec la Gestapo et avec l’Abwehr.

Qui sont les assassins ?

La longue et minutieuse instruction de la justice militaire dans le cadre de l’ordonnance du 28 août 1944, relative à la répression des crimes de guerre a permis d’identifier avec certitude les assassins. Le chef du commando de Pantin était Alexander Kreutz, de l’Abwehr et les cinq autres étaient des membres de la Gestapo, section IV du Kds de Paris. : Gustav Sinnhof, Rudolf Weinberger, Rudolf Kurz, Herbert Schubert et Ernst Heinrichsohn. Ils ont été condamnés à mort par contumace le 7 mars 1956 mais ont tous échappé à la justice sauf Ernst Heinrichsohn, condamné à six ans de prison en 1980 par le tribunal de Cologne, grâce à l’action de Serge et Beate Klarsfeld.

Pourquoi l’exécution sommaire au départ du convoi de déportation ?

Dans son étude majeure sur la déportation, Thomas Fontaine a démontré que les Allemands avaient établi des catégories parmi les résistants, en fonction des actions qui avaient été les leurs, et que leur peine dépendait de leur degré de dangerosité. Les FTP, les chefs de réseaux, les agents de renseignement, les agents du BCRA étaient considérés comme les ennemis les plus dangereux et devaient être éliminés. Ils étaient fusillés ou déportés dans de petits convois spéciaux, vers des camps où ils seraient assassinés avec certitude. Ce tri est visible lors de l'évacuation de la prison de Fresnes en août 1944. Les Allemands ont pu se rendre compte que Rondenay et Grout de Beaufort auraient dû eux aussi être considérés comme faisant partie de cette catégorie, et que la décision de les exécuter et de ne pas les laisser partir dans un convoi "ordinaire" ait été prise. L'identification de Rondenay a peut-être été tardive, postérieure aux interrogatoires et à la décision de déportation. S'agissait-il de s'assurer de leur mort, laquelle n'était pas certaine en cas de déportation, surtout dans les conditions du départ du convoi du 15 août ?

Monument commémoratif des résistants fusillés dans la clairière des Quatre Chênes à Domont (Val d’Oise)

 

La mémoire d’André Rondenay

André Rondenay reçut trois citations à l'ordre de l'Armée. La première est celle qui accompagne sa nomination de chevalier de la Légion d'honneur par décret du ministre de la Guerre, le 8 août 1944, deux semaines après son arrestation, et une semaine avant son assassinat. La seconde citation est à titre posthume, le 5 novembre 1944.            La troisième citation, signée du général de Gaulle, est faite au nom du Gouvernement provisoire de la République française, en date du 30 mai 1945. Il reçut la croix de la Libération et devint Compagnon de la Libération, par décret du 28 mai 1945, signé du général de Gaulle. André Rondenay reçut aussi la médaille de la Résistance et la médaille des Evadés. Le général Rondenay, père d'André, fut invité à l'ambassade de Grande-Bretagne le 28 octobre 1947, pour y recevoir une décoration britannique à l'occasion de l'admission de son fils dans le Distinguished Service Order.           

Le corps d'André Rondenay ayant été identifié à Domont, ses obsèques eurent lieu le 3 novembre 1945 en l'église Saint-Louis des Invalides, en présence du général Koenig. La cérémonie d'inauguration du Grand Hall André Rondenay de la Maison de la RTF se déroula le 28 janvier 1964, sous la présidence d'honneur d'Alain Peyrefitte, ministre de l'Information du gouvernement Georges Pompidou, en présence de Jean Sainteny, ministre des Anciens combattants et victimes de guerre, de Claude Hettier de Boislambert, Grand Chancelier de l'Ordre de la Libération, et de nombreuses hautes personnalités, également compagnons de l'Ordre. Le nom d’André Rondenay figure sur la plaque commémorative des morts du maquis Camille, à Plainefas, sur la commune de Saint-Martin-du-Puy (Nièvre), sur le monument commémoratif de l’Ecole polytechnique (Paris Ve), sur le monument aux fusillés et déportés de l’Yonne à Auxerre (Yonne) et sur le monument commémoratif des fusillés du Carrefour des Quatre-Chênes à Domont (Val-d’Oise).

SOURCES : SHD/GR, 16 P 295666, dossier individuel  d'André Rondenay. SHD/GR 28 P 4 320/2, dossier d’agent du BCRA d’André Rondenay. Archives de la cour de justice de la Seine : Z6/836, dossier d’Henri Dupré ; Z6/648 A et B : dossier des miliciens de la rue Alfonse de Neuville et de la rue Le Pelletier. Joël Drogland, Des maquis du Morvan au piège de la Gestapo- André Rondenay, agent de la France libre, Vendémiaire, 2019.

 

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